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Quand aller bosser fait mal
Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés
film Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil (2006)
21 avril 2006

Tour à tour, une ouvrière à la chaîne dans une usine d’embouteillage, un responsable d’agence de banque, une aide soignante dans une maison de retraite, et la gérante d’un magasin parlent de leur peur de ne pas être à la hauteur, et de leur isolement. Ils racontent leurs crises de larmes, le « pétage de plomb », puis leur refus « d’y retourner ».

Tourné en huis clos dans trois salles de consultations hospitalières de « Souffrance au travail », à Nanterre, à Garches et à Créteil, ce n’est pas un documentaire contre le travail, bien au contraire. Les personnes qui ont été filmées se souviennent toutes qu’elles ont connu du plaisir dans leur vie professionnelle et de l’épanouissement personnel dans leur travail : il y a eu un avant, et puis un après. « Avant, c’était une entreprise familiale, après, c’est devenu une usine », raconte l’ouvrière. Quand elle est arrivée à l’âge de 17 ans, elle a appris son métier des anciens. Puis les cadences se sont accélérées, et malgré sa volonté de bien faire, elle n’a plus pu suivre, et elle a craqué.

Ce film « thérapeutique » établit clairement le lien entre la souffrance individuelle et les nouvelles formes d’organisation du travail dans les entreprises : les exigences de la compétitivité, et le management par la peur. Souvent même, certains participent à un système qui se retournent ensuite contre eux. Dans son agence, le cadre commercial se fixait lui-même ses propres objectifs, et il pratiquait une comptabilité analytique sur le temps consacré aux clients. Puis un jour, il s’est trouvé devant un seuil infranchissable.

La dernière séquence du film baptisée « viatique », rassemble les thérapeutes. Ensemble, ils parlent de leur pratique de « l’écoute risquée », et de ce qui a remis en cause tous leurs tableaux cliniques habituels. Ils échangent sur leurs doutes face à des patients qui doivent faire le deuil de la séparation avec leur entreprise, et sont incapables d’affronter la honte sociale de ne plus aller travailler.